lundi 14 novembre 2016

Le Raisin de la Colère


Et pourtant, la vigne devait donner !
Les grappes déjà grosses promettaient,
Ses ceps étaient bras forts de Prométhée,
Les grains étaient sucrés, c’était l’été !            
Avec hâte, on attendait la vendange
Et même là-haut, la part des anges.

Mais de son vin, nul ne put rien boire.
Il fut mal tiré, faute aux déboires,
Lui, dont on escomptait l’allégresse
Et la danse qu’offrirait l’ivresse,
N’est que du vinaigre aigri, non demandé,
Au plat du jour bon à accommoder.

C’est ainsi que sa peau, reste de matière,
Privée de son alcool, sel de sa terre,
Seule subsiste, comme une défroque
Qui prît forme pleine en une autre époque.

Et pourtant, ma vie devait donner !
Mes rêves de gosse promettaient,
Mes biceps étaient bras forts de Prométhée,
Je grandissais, c’était l’été !                       
Avec hâte, on attendait que j’engrange
Que j’aille bien haut, avec ma gueule d’ange.

Mais c’est en vain, nul ne put rien voir,
Mon sort fut mal tiré, faute aux déboires,
Moi, dont on appréciait l’allégresse
Et l’insouciance qu’offrait ma jeunesse,
Ne suis qu’un homme mûr, aigri et démodé,
Au goût du jour bon à s’accommoder.

C’est ainsi que ma peau, reste de matière, 
Im-bi-bée d’alcool, verre après verre,
Seule subsiste, comme une défroque

Qui prit forme humaine en une autre époque.