lundi 15 décembre 2014

Immigrés en Destin


Tous les jours ces immigrés sont en place,
Qui forment des groupes épars sur la place,
Qui échangent un mot de temps en temps,
Le sourire aux lèvres toujours présent.

Regardent dans la ville étourdissante,
Toujours empressée et assourdissante,
Passer, repasser passants et voitures,
Laissés de côté contre la bordure
En lisière du rythme d’une vie
Dont ces vieux ne font plus guère partie.

Qui sont venus bâtir nos grands ensembles
Où en masse on les a parqués ensemble,
Qui firent la fierté de la nation,
Symboles un temps de modernisation.

Que d'autres aujourd'hui cassent à la masse
Pour faire table rase en leurs décombres
D’un passé colonial qui les encombre,
De problèmes sociaux qui les dépassent.


Et quand bien même leur banlieue est laide
Jamais ils ne retourneront au bled
Mais c’est sans doute bien mieux car Là-bas
L’ancien pays a changé à tout va,
S’y rendre les avait tant dérangés
Lorsqu’ils s’y étaient sentis é-tran-gers.

Et ils préfèrent ne s'en souvenir
Qu’au travers de leurs jeunes souvenirs,
Se réchauffant à son soleil brûlant,
Et se parlant entre eux du temps d'avant
Et puis se le représenter surtout,
Un point [dans le ciel bleu], et voilà tout.

Et grandissent ici leurs petits-enfants
Dont ils ne veulent pas perdre un instant,
Rattraper le temps des épuisements
Quand pour leurs fils ils n’étaient pas présents.

Dont ils ne comprenaient pas la violence,
Eux qui acceptaient tout, et en silence,
Désespérés, ne sachant être pères,
Désemparés, privés de tout repère.

Mais aujourd'hui, cela est du passé,
Ce qui arriva devait arriver,
Même jusqu’au plus violent des orages,
Au fond d'eux il n'y a plus guère de rage.

Il peut s’ébattre le ballet des bus !
Alentour d'eux, figés dans leur rictus,
Immobiles, comme sont des points fixes,
En paroles Hommes bien peu prolixes.

Qui sont venus bâtir nos grands ensembles
Où en masse on les a parqués ensemble,
Qui faisaient la fierté de la nation,
Symboles un temps de modernisation.